Inaptitude physique : recherche de reclassement – prise en compte de la volonté du salarié
Par deux décisions, la chambre sociale de la Cour de cassation assouplit sa position sur l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur d’un salarié physiquement inapte.
La chambre sociale décide en effet que l’employeur a la possibilité de tenir compte de la position du salarié inapte sur son reclassement. Elle abandonne ainsi sa jurisprudence antérieure, selon laquelle l’employeur devait chercher à reclasser le salarié déclaré inapte au sein de l’entreprise ou, le cas échéant, du groupe et ce, quelle que soit la position prise par l’intéressé.
En donnant à l’employeur la faculté – et non l’obligation – de tenir compte des souhaits exprimés par le salarié pour son reclassement, la Cour de cassation adopte une position pragmatique. La recherche de reclassement, lorsqu’elle s’impose, doit être menée de façon loyale et sérieuse. Avant d’envisager le licenciement, l’employeur doit être en mesure de justifier de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de reclasser le salarié, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail, tant au sein de l’entreprise, que le cas échéant, au sein du groupe lorsqu’une permutation de personnel est possible. Mais désormais, si le salarié informe l’employeur qu’il ne souhaite être reclassé que sur un périmètre géographique précis, la recherche de reclassement peut être limitée à cette zone. La procédure de licenciement ne sera plus systématiquement invalidée au motif que des emplois disponibles dans d’autres secteurs, mais non conformes aux souhaits du salarié, ne lui ont pas été proposés.
A noter : dans ces deux arrêts, le litige portait sur le périmètre géographique de la recherche de reclassement, mais au vu de la généralité des termes employés le principe pourrait s’appliquer également aux souhaits exprimés par le salarié sur le périmètre fonctionnel du reclassement.
La Haute Juridiction rappelle en outre qu’en cas de litige, l’appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond. Ainsi, les juges du fond doivent évaluer les efforts de reclassement de l’employeur, non seulement au regard de ses propositions sérieuses et conformes aux critères fixés par la loi, mais aussi au regard du comportement ou de la position du salarié.
La décision de la Cour de cassation constitue un véritable assouplissement de l’obligation de reclassement préalable au licenciement pour inaptitude physique. Toutefois, pour en mesurer toute la portée pratique, on attendra que les juges répondent à certaines questions qui restent posées, notamment : la volonté du salarié doit-elle être expresse ? À quel moment l’avis du salarié peut être recueilli ? Par quel moyen ?
Par conséquent, pour l’employeur la prudence est de mise, même si le revirement de jurisprudence décidé par la Cour de cassation peut alléger ses obligations en matière de reclassement, il reste tenu par le Code du travail d’une obligation de recherche poussée avant tout licenciement pour inaptitude physique et il doit être en mesure d’en justifier en cas de litige.
Cass.soc. 23 novembre 2016 n°14-26398, G. c/Sté Lidl ;Cass.soc. 23 novembre 2016 n° 15-18092, H. c/Sté Lidl